Date limite: le 15 Mai 2025
Le Conseil pour le dรฉveloppement de la recherche en sciences sociales en Afrique (CODESRIA) a le plaisir dโannoncer un appel ร propositions pour un nouveau programme de recherche et de bourses, les bourses africaines pour la recherche sur les savoirs autochtones et alternatifs (AFRIAK). Ce programme est proposรฉ avec le soutien de la Fondation Mastercard dans le cadre de lโengagement de la Fondation ร promouvoir lโรฉducation et les compรฉtences des jeunes en Afrique, et en reconnaissance de la contribution de lโintellectuel ghanรฉen Sulley Gariba, aujourdโhui dรฉcรฉdรฉ, ร la valorisation des savoirs africains dans la recherche et lโรฉvaluation.
Ce programme vise ร mettre en ลuvre une approche novatrice de formation dโune nouvelle gรฉnรฉration de jeunes ร la conception de projets de recherche et ร la production de savoirs et ce, dans le cadre dโun partenariat entre des mentors universitaires dโune part et des dรฉtenteurs de savoirs autochtones dโautre part. Cette approche privilรฉgiera les savoirs locaux, autochtones et endogรจnes en tant que formes de connaissances ou systรจmes de connaissances profondรฉment ancrรฉs dans les communautรฉs et รฉtroitement liรฉs ร leurs expรฉriences vรฉcues. Bien que ces formes de connaissances puissent รชtre gรฉographiquement proches des jeunes en Afrique, elles leur restent inaccessibles en partie en raison de la prรฉdominance des systรจmes dโapprentissage occidentaux dans nos programmes scolaires et universitaires et en partie en raison de la nature gรฉrontocratique de nos communautรฉs, oรน ces savoirs sont prรฉservรฉs pour quelques dรฉtenteurs de savoir, principalement des hommes. Cette approche est novatrice dans la mesure oรน elle nous incite ร utiliser ce dont nous disposons dans nos communautรฉs et ร apprรฉcier les nombreuses faรงons par lesquelles ce que nous avons au sein de nos communautรฉs est utilisรฉ, prรฉservรฉ et diffusรฉ.
AFRIKAK repose fondamentalement sur la conviction que la formation dโun nouveau groupe de jeunes ayant les compรฉtences nรฉcessaires pour produire et appliquer des connaissances issues des rรฉalitรฉs autochtones et locales permettra de gรฉnรฉrer des donnรฉes uniques mais exploitables. De telles donnรฉes contiennent, selon nous, des connaissances importantes qui soutiendront les interventions politiques visant ร crรฉer des moyens de subsistance satisfaisants pour les jeunes et les communautรฉs autochtones/locales.
Certes, la notion dโยซindigรจneยป est contestรฉe. Son pedigree colonial porte des connotations pรฉjoratives. Ce programme de recherche et de bourses vise ร examiner de maniรจre approfondie et ร faire disparaรฎtre les connotations nรฉgatives du terme, afin que la pleine valeur de ยซ ce que nous avons ยป dans nos communautรฉs soit reconnue et apprรฉciรฉe.
Des recherches antรฉrieures menรฉes au CODESRIA, sous la direction du philosophe bรฉninois Paulin Hountondji, ont mis en รฉvidence lโutilisation problรฉmatique de cette notion, laquelle trouve son origine dans lโhรฉritage colonial et la dรฉpendance scientifique persistante de lโAfrique dโaujourdโhui.[1] Dans les sociรฉtรฉs colonisรฉes, le terme ยซ indigรจne ยป รฉtait opposรฉ ร ยซ exotique ยป, ce qui impliquait que le premier รฉtait autochtone, traditionnel, primitif et rรฉsistant au changement. Les savoirs autochtones (SA) รฉtaient ainsi considรฉrรฉs comme vernaculaires, non civilisรฉs, dรฉfavorisรฉs et superstitieux. Hountondji a analysรฉ ces formes de savoirs, notant que la persistance des connotations pรฉjoratives nโavait de sens que dans des contextes dโextraversion persistante des savoirs en Afrique.[2] Il a prรฉfรฉrรฉ la notion dโยซ endogรจne ยป ร celle dโยซ indigรจne ยป en faisant valoir que ce recadrage repositionnerait lโAfrique au cลur de la production de savoirs. Ce programme, tout en reconnaissant ces dรฉbats et le bagage historique que de nombreux termes portent, utilise la notion de ยซ savoir indigรจne ยป pour dรฉsigner ce qui est organique ร la sociรฉtรฉ, pour reprendre le concept de lโintellectuel organique de Gramsci. Il souligne lโidรฉe dโยซ utiliser ce que nous avons ยป, tout en reconnaissant que ce que nous avons dans la sociรฉtรฉ nโest pas statique et nโexiste pas dans un splendide isolement ; il รฉvolue plutรดt par une interaction continue avec dโautres systรจmes de savoirs.[3]
Le projet de recherche et de bourse du programme AFRIAK sโarticulera autour de trois activitรฉs connexes. Il sโagit:-
- Dโun programme de bourses de recherche, de formation et de mentorat pour les jeunes.
- Des rencontres pour discuter des politiques.
- Dโune communautรฉ dโanciens membres et de praticiens dans le rรฉseau des savoirs autochtones et alternatifs.
Les trois activitรฉs interdรฉpendantes du programme sont dรฉfinies de maniรจre ร faciliter la rรฉalisation des objectifs suivants: โ
- Crรฉer des opportunitรฉs et des espaces permettant aux jeunes chercheurs de sโengager dans la production de connaissances multidisciplinaires et de les appliquer conjointement avec des universitaires, des activistes, des dรฉcideurs politiques et des dรฉtenteurs et gardiens de savoirs autochtones.
- Faciliter la recherche collaborative qui contribuera ร rรฉduire lโisolement des dรฉtenteurs/gardiens/chercheurs de savoirs autochtones par rapport aux autres dรฉtenteurs/gardiens de savoirs et ร รฉliminer les asymรฉtries et les cloisonnements au sein des systรจmes de production de savoirs.
- Elargir les possibilitรฉs dโamรฉliorer la capacitรฉ des participants, en particulier ceux qui sont historiquement/culturellement marginalisรฉs, ร acquรฉrir et ร rechercher des savoirs ancrรฉs dans les communautรฉs.
- Transformer les connaissances en actions tout en renforรงant sa capacitรฉ ร crรฉer des opportunitรฉs dโemploi dignes et รฉpanouissantes pour les jeunes dans plusieurs secteurs, notamment le secteur crรฉatif, lโagriculture et les systรจmes agroalimentaires, les systรจmes numรฉriques et dโautres industries, dans lโรฉlaboration des programmes รฉducatifs, la pรฉdagogie et lโapprentissage, la nutrition et la santรฉ climatique, dans la santรฉ humaine, vรฉgรฉtale et animale, entre autres secteurs ayant des besoins et des opportunitรฉs urgents en Afrique.
- Faciliter lโรฉmergence dโune masse critique de jeunes chercheuses qui sโengageront et formeront les gรฉnรฉrations futures de recherche et de pratiques en matiรจre de savoirs traditionnels, notamment en adoptant de nouvelles technologies telles que lโIA pour mobiliser et appliquer ces savoirs.
Dans lโensemble, le projet devrait aboutir ร lโadoption et ร la mise ร lโรฉchelle des savoirs autochtones et dโautres formes de savoirs alternatifs comme fondements de stratรฉgies de subsistance dignes pour les jeunes et les communautรฉs, dans des secteurs clรฉs tels que ceux citรฉs plus haut. Les propositions soumises dans le cadre de cet appel devraient porter sur les domaines suivants: โ
- a) Savoirs et mรฉthodes de connaissance autochtones.
- b) Sciences et pratiques mรฉdicales autochtones.
- c) Savoirs autochtones, secteur crรฉatif et systรจmes dโentrepreneuriat.
- d) Systรจmes agricoles et agroalimentaires.
- e) Mobilisation des systรจmes numรฉriques pour les savoirs autochtones en Afrique.
- f) Pรฉdagogies autochtones et รฉlaboration de programmes scolaires.
- g) Savoirs autochtones dans le dรฉveloppement du capital social.
- h) Technologies autochtones et dรฉveloppement durable.
- i) Savoirs autochtones et changement climatique.
- j) Patrimoine de savoirs autochtones en matiรจre de nutrition et de santรฉ climatique.
- k) Langues et sciences autochtones.
- l) Savoirs autochtones, religion et spiritualitรฉ.
- m) Sciences autochtones et durabilitรฉ รฉcologique.
Public cible de cet appel
Sont visรฉs par cet appel les jeunes รขgรฉs de 24 ร 35 ans, engagรฉs dans des activitรฉs de recherche et de production de savoir qui sโinspirent, ou ont pour ambition de sโinspirer, des perspectives des savoirs autochtones/locaux. Les jeunes ciblรฉs doivent รชtre rattachรฉs ร des institutions officielles de recherche et de savoir ou ร des centres de recherche sur les savoirs autochtones en Afrique. Les praticiens ayant des qualifications dโenseignement formel, qui sont engagรฉs dans des activitรฉs qui sโappuient sur lโapplication des perspectives de savoirs autochtones/locaux, sont รฉgalement encouragรฉs ร postuler. Jusquโร 70 % des jeunes sรฉlectionnรฉs pour la bourse seront des jeunes femmes. Les candidats doivent prรฉciser leur domaine/thรจme de recherche dโintรฉrรชt, conformรฉment aux domaines prioritaires du CODESRIA identifiรฉs plus haut.
Organisation et durรฉe de la bourse
La bourse couvre lโinitiation, le stage de mi-parcours, le travail de terrain, les activitรฉs de diffusion et les activitรฉs aprรจs la bourse, au cours desquelles les anciens boursiers contribueront ร une communautรฉ de pratique dans les systรจmes de savoirs autochtones et autres. Les boursiers seront regroupรฉs en รฉquipes de sept, accompagnรฉs de deux dรฉtenteurs de savoirs autochtones/locaux et dโun mentor universitaire. La conceptualisation de la recherche, son exรฉcution et les approches de diffusion seront รฉlaborรฉes conjointement par les jeunes boursiers, les mentors universitaires et les dรฉtenteurs de connaissances autochtones. La durรฉe de la bourse, y compris le travail sur le terrain et la diffusion, sera de sept mois. Pendant toute la durรฉe de la bourse, les รฉquipes de recherche bรฉnรฉficieront du mentorat et du soutien de pรดles intellectuels, qui seront identifiรฉs et constituรฉs par le CODESRIA afin de renforcer lโengagement intellectuel et communautaire.
Modalitรฉs de candidature
Les candidatures individuelles et conjointes seront acceptรฉes
Les candidatures individualles doivent soumettre les รฉlรฉments suivants: โ
- Un CV dโune page prรฉcisant, entre autres, la date de naissance, lโemploi/lโengagement actuel et lโaffiliation institutionnelle.
- Une note conceptuelle de deux pages qui prรฉsente un sujet, explique comment ce thรจme sโinscrit dans un domaine prioritaire dรฉfini par le CODESRIA, justifie le choix du thรจme et son caractรจre convaincant, et rรฉsume les principales รฉtapes que lโintรฉresรฉ.e souhaite suivre pour obtenir les rรฉsultats du processus de recherche et de bourse.
- Une lettre de rรฉfรฉrence dโune page rรฉdigรฉe par deux personnes connaissant bien le travail de lโintรฉresรฉ.e.
Les candidatures conjointes (7 personnes maximum) doivent soumettre les รฉlรฉments suivants:
- Un CV dโune page pour chacun des membres du groupe, ร soumettre dans un document consolidรฉ. Chaque CV doit indiquer, entre autres dรฉtails, la date de naissance, lโemploi/lโengagement actuel et lโaffiliation institutionnelle. Le chercheur principal ou le chef de groupe doit รชtre clairement indiquรฉ en haut de lโensemble des CV
- Une note conceptuelle de deux pages qui prรฉsente un sujet, explique en quoi ce thรจme sโinscrit dans un domaine prioritaire dรฉfini par le CODESRIA, justifie le choix du thรจme et en dรฉmontre le caractรจre convaincant, et rรฉsume les principales รฉtapes que le groupe entend suivre pour obtenir les rรฉsultats du processus de recherche et de bourse
- Deux lettres de rรฉfรฉrence qui soutiennent spรฉcifiquement le groupe, plutรดt que les membres individuels
Les candidatures doivent รชtre soumises via le portail du CODESRIA rรฉservรฉ spรฉcifiquement au programme de bourses, ร lโadresse suivante: https://submission.codesria.org/african-fellowships-for-research-in-indigenous-and-alternative-knowledges-afriak/
La date limite de dรฉpรดt des candidatures est le 15 Mai 2025.
[1] Paulin Hountondji, โScientific Dependence in Africa Todayโ, in Research in African Literatures, Vol. 21, No. 3, 1990.
[2] Paulin Hountondji, โRecherche et extraversion: รฉlรฉments pour une sociologie de la science dans les pays de la pรฉriphรฉrieโ, in Africa Development / Afrique et Dรฉveloppement, Vol. 15, No. 3/4, 1990.
[3] Des discussions similaires sont menรฉes par Yuen Yuen Ang, titulaire de la chaire Alfred Chandler dโรฉconomie politique ร lโuniversitรฉ Johns Hopkins et auteur de lโouvrage How China Escaped the Poverty Trap