
Conférence – Appel à communications: La liberté académique en Afrique : revisite de la Déclaration de Kampala
Lieu : Université de Dar es Salaam, Dar es Salaam, Tanzanie
Date : 29 avril – 2 mai 2025
Note conceptuelle
En novembre 1990, à Kampala (Ouganda), le CODESRIA a organisé une conférence historique au cours de laquelle la Déclaration de Kampala sur la liberté intellectuelle et la responsabilité sociale a été adoptée. Précédée de seulement quelques mois par la Déclaration de Dar es Salaam sur la liberté académique et la responsabilité sociale des universitaires, la Déclaration de Kampala est un cadre panafricain en faveur de la protection de la liberté intellectuelle et académique sur le continent. Les déclarations de Dar es Salaam et de Kampala ont été des réponses historiques aux nouveaux courants de la société en général, plus particulièrement du secteur de l’enseignement supérieur. L’échec du « développementalisme », l’imposition, dans les années 1980, de programmes d’ajustement structurel et leurs conséquences sur le secteur de l’éducation, puis la survenance de pratiques néolibérales dans l’enseignement supérieur ont favorisé une déprofessionnalisation des pratiques académiques. Ceci a, à son tour, servi de catalyseur à la promulgation des deux déclarations. Trente-cinq ans plus tard, à l’échelle mondiale, le monde intellectuel a connu des évolutions. En Afrique, ces changements ont largement été motivés par un programme néolibéral qui, de manière significative, a réorganisé les conditions de travail des universitaires et considérablement remodelé la compréhension et le suivi des libertés académiques et intellectuelles. Ce qui a atténué l’importance du rôle de l’enseignement supérieur dans l’ancrage des luttes populaires pour l’intérêt général.
Récemment, beaucoup ont noté un déclin perceptible de la protection des libertés académiques et intellectuelles sur le continent. Nous assistons, une fois de plus, à une prolifération sans précédent de nouvelles menaces et, dans le domaine de l’enseignement supérieur en particulier, à une subversion active de la liberté académique et de l’autonomie institutionnelle, tant par l’État que par les universitaires eux-mêmes. Nombre de ces nouvelles menaces proviennent du renforcement des cultures néolibérales dans la société et les institutions, alimenté en partie par une crise économique qui s’aggrave et qui érode les conditions matérielles des intellectuels, travailleurs de l’université et étudiants compris. En outre, des données récentes montrent un déclin dans la protection de la liberté académique et intellectuelle dans des régions autrefois championnes de ces principes. Cet état de fait souligne l’urgente nécessité d’un nouvel élan mondial pour la sauvegarde de ces libertés sur le continent dans le cadre duquel se situe notre contribution à leur préservation.
En outre, depuis les années 1990, en Afrique, l’enseignement supérieur a connu une transformation considérable. De nouvelles institutions privées, dotées de nouvelles cultures intellectuelles et académiques, ont été créées et se sont multipliées. L’on a assisté à une reconfiguration des structures de gouvernance des universités et de leur relation avec l’État et la société ; à une réforme majeure des programmes, avec notamment des changements dans les modes de fourniture ; à une évolution de la démographie des étudiants et des enseignants ; à une influence croissante des nouvelles technologies dans la gestion des universités ; à des évolutions dans la vie associative qui affectent divers aspects de l’université, notamment, et surtout, le bien-être et l’organisation des étudiants ; à des exigences croissantes face à des infrastructures universitaires qui affectent l’environnement d’apprentissage, intensifient les effets sexistes et impactent les groupes minoritaires et les personnes vivant avec un handicap ; et à l’érosion des ressources de l’université dans un contexte néolibéral qui traite l’éducation comme un investissement privé qui n’a de valeur que s’il produit des bénéfices. Tout aussi significative dans l’université africaine est la tendance à l’internationalisation marquée par l’influence croissante d’acteurs extérieurs au sein de l’académie et l’attrayante participation à divers classements qui confèrent différentes formes de visibilité et de légitimité aux gestionnaires d’universités, sans pour autant approfondir les cultures intellectuelles. Ces évolutions, notamment celles liées à la Covid-19, exigent une révision de la dynamique de l’enseignement supérieur en Afrique et un renforcement des garde-fous de la liberté intellectuelle et académique. Il est important de réexaminer les instruments existants de protection de la liberté intellectuelle, tels que la Déclaration de Kampala, d’évaluer leur efficacité et d’établir de nouveaux mécanismes de suivi de l’état de ces libertés en Afrique. Par exemple, une étude préliminaire des Déclarations de Dar es Salaam et de Kampala a conclu qu’il était nécessaire de les « repopulariser en tant qu’instruments pertinents dans les luttes contemporaines pour la liberté académique qui, aujourd’hui, affectent l’intelligentsia africaine ». Dans cet examen, une attention particulière a été accordée aux lacunes qui ont émergé des faiblesses du projet initial des Déclarations, et les évolutions plus récentes dans le secteur. Ces lacunes appellent à repenser et à réviser les Déclarations, non seulement dans le secteur de l’enseignement supérieur, mais également dans le fonctionnement de l’État et de l’économie, afin d’encadrer et recadrer la question de la liberté académique et intellectuelle.
En 2025, le Conseil organisera une conférence sur la liberté académique et intellectuelle en Afrique, avec comme point de départ, la révision de la Déclaration de Kampala. La conférence aura pour objectif de reconceptualiser l’idée de liberté académique et intellectuelle comme droit humain soutenu par des impératifs de justice sociale. Elle mobilisera une réflexion qui situe la liberté académique et intellectuelle dans le contexte sociétal plus large, en soulignant le rôle clé du monde universitaire dans la réalisation d’un mandat transformateur et développemental. Cet engagement en faveur d’un programme transformateur réaffirmera le double mandat de la Déclaration qui met en évidence, à la fois, les droits et les responsabilités de l’intellectuel. Il est prévu que la conférence, ainsi que ses documents finaux et ses engagements, permettent la création d’une plateforme pour un cadre continental qui propose un ensemble commun de valeurs, de lignes directrices et de priorités pour l’atteinte, la garantie et la préservation de la liberté académique et intellectuelle.
Ce cadre commun est particulièrement important sur le continent africain, qui accuse un retard considérable dans la réalisation des libertés individuelles et de l’autonomie institutionnelle dans un contexte mondial de déclin des libertés.
Le Conseil n’a pas manqué de noter que la conférence se tient à un moment où, à l’échelle mondiale, la demande de savoir décolonial/décolonial croît ; où la tension persistante entre les notions divergentes de savoir et de connaissance encourage l’intérêt pour les savoirs locaux et endogènes ; et où des ressources en baisse ne donnent pas la priorité au lien entre recherche et développement. En effet, en Afrique, le secteur de la production de connaissances est confronté à des problèmes d’inclusion et d’exclusion, des questions importantes sur la place de la science autochtone, des travailleurs et des détenteurs locaux de connaissances dont les interventions sont, pour des raisons techniques, exclues de l’académie et qui ne peuvent donc pas profiter de la liberté intellectuelle conférée, uniquement, à ceux qui vivent dans une tour d’ivoire. Les institutions locales de savoir sont-elles des espaces dignes des protections de l’autonomie institutionnelle ? Toutes ces questions sont importantes et la conférence devra s’y pencher.
La conférence a pour but de réunir les principaux acteurs du secteur de l’enseignement supérieur africain pour une réflexion sur des questions thématiques liées à la liberté académique/intellectuelle. Elle offrira une plateforme de mise en réseau de divers acteurs et orientera les perspectives du Conseil dans ce domaine. Les thèmes clés sont principalement les suivants :
- Liberté académique ou liberté intellectuelle ?
- Repenser la liberté académique en Afrique dans le contexte de multipolarité
- Liberté académique : hier et aujourd’hui.
- Liberté académique et gouvernance universitaire.
- Rôle des étudiants dans la gouvernance universitaire.
- Rôle du personnel académique dans la gouvernance universitaire.
- Rôle du corps enseignant dans la gouvernance universitaire.
- Liberté académique : une décennie après le Sommet sur l’enseignement supérieur en Afrique
- Autonomie et responsabilité des universités
- L’État et les libertés académiques/intellectuelles
- Enseignement supérieur et liberté académique
- Impératif de transformation ?
- Privatisation de l’enseignement supérieur
- Evolution démographique et vie associative à l’université
- Programme de la société civile pour l’enseignement supérieur africain
- Mouvements estudiantins et liberté académique
- L’université dans un contexte néolibéral
- La question du travail intellectuel et de la syndicalisation du personnel.
- Les étudiants comme clients/marchandisation de l’éducation/du savoir
- Académie et néo-managérialisme
- Intégrité institutionnelle et académique et responsabilité de l’intellectuel
- Gouvernements africains, STEM ou SSH: un débat stérile ?
- Liberté intellectuelle et académique dans un nouveau contexte technologique
- IA et responsabilité intellectuelle
- TIC, réforme des programmes et nouveaux modes de fourniture
- Liberté académique : la question de la diversité et de l’inclusion
- Briser le plafond de verre
- Genre et sexualité
- L’université et la question du handicap
- Considérations socioculturelles, religieuses et ethniques dans le monde universitaire
- Ressources pour l’université africaine
- Dynamique interne de l’allocation des ressources
- Le donateur/bailleur de fonds partie prenante ?
- L’impératif du partage des coûts
- Rencontre d’intérêts dans le financement de l’enseignement supérieur
- La liberté intellectuelle : un agenda panafricain ?
- Intégration des épistémologies, ontologies et méthodologies africaines.
- Les dilemmes de l’édition en Afrique comme questions de liberté intellectuelle
- Croissance académique, professionnelle et édition
- Liberté intellectuelle et luttes universelles pour la justice sociale.
- Les systèmes de connaissances autochtones à l’heure de la décolonisation
Le CODESRIA invite la soumission d’articles sur l’un des thèmes ci-dessus. La conférence aura lieu du 29 avril au 2 mai 2025 à l’Université de Dar es Salaam, Dar es Salaam, Tanzanie.
Les personnes intéressées sont invitées à soumettre des articles complets pour présentation à la conférence au plus tard le 31 janvier 2025. Les auteurs d’articles acceptés seront informés avant le 28 février 2025.
Tous les articles soumis devront comporter entre 5 000 et 7 000 mots (résumé et références compris), et utiliser le Guide de l’auteur du CODESRIA (CODESRIA Guide for Authors – CODESRIA).
Les articles seront soumis via le site Web du CODESRIA en utilisant le lien suivant https://submission.codesria.org/
Les articles soumis après la date limite ou qui comporteront plus que le nombre de mots indiqué ne seront pas pris en compte. Le Conseil soutiendra les auteurs d’articles invités en leur offrant un billet aller-retour en classe économique, un hébergement et une modeste indemnité journalière. De plus amples détails à ce sujet seront communiqués aux candidats retenus.
Les demandes de renseignements peuvent être adressées au Secrétariat du CODESRIA à l’adresse tgf@codesria.org